SID BOULFDAIL Un port de pêche

Mon corps comme le village, est enveloppé des chaleurs du désert et du silence variable des
vagues alambiquées qui se tordent et gémissent sur la plage.
Je dors encore.
L’espace entre les maisons se baigne des pulsations sans fin deshoules épuisées, rompues, retournées comme une cohue baveuse de mufles salés.
Chaque partie de ce village est relié à mon âme. Depuis le lit mon esprit rêveur y plane et en
surveille la vie tranquille. La barque grince à peine sous le soleil qui la dessèche. La porte sous
le poids du filet, s’entrouvre et baille. Je l’entends, je la sens comme mon bras qui se déplie
pour dégager le drap. Le métal des hameçons mémorise dans sa raideur aveuglante, le goût
des chairs qu’il a déchirées dans la lutte musculeuse des poissons. Dans le seau plein d’une
eau de mer qui se trouble, l’oeil rond du poisson vient flotter comme une épave. Sa mort est
entrée en moi, je l’ai sentie paisible et parente dans mon rêve.
La torpeur du village m’entoure comme ma mère.
Mon corps nu enveloppé de tissus brûlants, s’alanguit avant la pêche qu’appellent sans cesser,
les criailleries aigres des gabians ensorcelés.

Jean-Claude Feuillarade