UN VOYAGE Tanger- El Jadida - Marrakech - Sidi Ifni

Le paysage naît de sa contemplation.
Dans sa totalité comme un coup au détour d’un sentier.
Ou dans la multitude infinie des fragments, morcelés jusqu’aux grains, jusqu’aux mouches,
jusqu’aux minuscules et voyageuses poussières que le soleil transperce.
Contempler est une respiration du regard, qui pourrait être ralentie jusqu’à sa dilution dans
les turbulences de l’air brûlant, ou bien comme des gestes d’aveugles portés un par un jusqu’à
l’horizon.
Les étendues passives en appellent aux sensualités intérieures, au plus intime de la brume des
pensées et des rêves. La chaleur ou le froid deviennent les personnages de ce théâtre
silencieux et immobile qui conte l’éternelle histoire des voyages.
Le souffle des vents inconnus, les craquements du bois ou des pierres, le bourdonnement
enivrant des insectes têtus, les aspérités blanches et grises du gravier, les torsions
compliquées des racines, même les ombres projetées qui dérivent sous la variation de la lune
jouent dans la composition un rôle démesuré. La table et la chaise sur l’humble scène devant
le décor d’un mur, entrent en consistance et interpellent comme des spectres, le passant
minutieux.
Le paysage qui naît et disparaît avec la lenteur des héros de tragédie, est la raison profonde
du voyage.

Jean-Claude Feuillarade